FOB-BassinsExtrieursMiniTanganyika, avril 2011 - Impact des activités humaines
Entretien de François Semence avec Mireille Schreyen, Fish of Burundi, avril 2011.
Participation à cet article : Valérie Bretel.
Photos de F. Semence (Cliquez sur les photos pour les agrandir).
Je remercie chaleureusement Mireille Schreyen pour son accueil et le temps qu’elle m’a consacré. je lui souhaite beaucoup de courage dans son action et espère que l’état de santé actuel du lac s’améliore ou du moins ne se dégrade plus dans l’avenir. Avenir qui passera obligatoirement par une information et une éducation des populations riveraines, afin qu’elles continuent à vivre et exploiter les richesses du Tanganyika, tout en préservant sa faune et sa flore.

FOB-BassinsExt2En septembre 2010, le PAS (Programmes d’Actions Stratégiques pour la gestion durable du lac Tanganyika) a invité des représentants des quatre gouvernements des pays qui gèrent les rives du lac, afin de mettre en place des mesures pour empêcher ou au moins ralentir les dégradations environnementales :
- Pollution,
- érosion, sédimentation ;
- pêche à outrance ;
- autres problèmes.

1) Pollution :
- utilisation de pesticides agricoles. Les rizières de la vallée de la Ruzizi sont polluées par l’utilisation intensive de pesticides. Les eaux ainsi souillées se déversent directement dans la lac Tanganyika ;
- déchets industriels ;
- déchets des villes à proximité ( Bujumbura, Kigoma, Kalemie…) ;
- exploitation minérale (or, cassitérite, et dans un avenir proche nickel et probablement pétrole) ;
- prolifération des végétations aquatiques qui envahissent le nord du lac. Phénomène équivalent à ce qui se produit dM-Schreyenans le lac Victoria et dans le bassin du Congo.

2) Erosion et sédimentation :
- La déforestation : la population locale utilise le bois pour cuisiner, mais aucun programme de reboisement n’est mit en place. Par conséquent, quand le sol est balayé par les pluies, cela entraîne les masses de boue dans les eaux du lac.
- La sédimentation : celle-ci est accélérée par le fait que les habitants ramassent les galets du lit du fleuve pour construire leurs maisons et les routes. Cela déstabilise les rives et accroît la sédimentation. Le socle de rochers du lit du fleuve se couvre alors de boue faisant disparaître la couverture biologique et le plancton, mettant en péril la biodiversité du fleuve et à terme toutes les espèces vivantes.

3) La pêche à outrance :
FOB-BassinsExt1En l’an 2000, 10 millions de personnes vivaient dans le bassin du lac Tanganyika. Aujourd’hui, la population a augmenté de 30%. Tous ces gens vivent des poissons du lac. Certaines espèces ont terriblement chuté car les habitants se sont mis à pêcher les œufs de poissons avec des moustiquaires. Ils pensent que ces oeufs sont aussi bons que du caviar.
Par ailleurs, ni la quantité de pêche ni la taille des filets ne sont contrôlées. L’introduction d’un nouveau type de filet maillant monofilament en nylon fait des dégâts considérables.

4) Autres problèmes :
Après 15 années de guerre, le Burundi a renoué avec la paix. Les réfugiés de Tanzanie et du Congo rentrent au pays. Ce qui génère de nombreux conflits pour la terre qui se fait rare au Burundi, petit pays très densément peuplé. La population s’est mise à construire des maisons tout autour du lac, presque dans l’eau. Sans travail, les gens passent leur temps à pêcher avec filets et cannes à pêche. En conséquence, de multiples espèces de poissons sont en voie de disparition. Il y a 15 ans, il était possible de voir nager des centaines de frontosa, entre 20 et 25 m de profondeur. Aujourd’hui, à 30 m de profondeur, à peine peut-on apercevoir quelques spécimens trop petits pour avaler un hameçon.
Dans les années 70, entre 4 et 8 mètres de profondeur, on pouvait voir des milliers d’ Enantiopus et Xenotilapia sur le sable. Cela Foyerfait plus d’un an maintenant que nous n’avons eu la possibilité d’apercevoir un Enantiopus et bien d’autres espèces encore qui se sont réfugiées dans les profondeurs.

Conclusion :
La densité de poisson a dramatiquement chuté. Actuellement, ne demeurent que 40 % de la biomasse de poissons qui peuplait le lac auparavant. Heureusement, il apparaît qu’aucune espèce n’a complètement disparu. Par exemple, Julidochromis regani, invisible dans les rochers des plages de Gatumba, est toujours présent dans les espaces rocailleux du large. Le cobra du lac, « boulengerina annulata » a disparu du Nord du Burundi, depuis que la route autour du lac a été pavée, mais il est néanmoins toujours présent dans le sud du pays, vers Nyanza lac.
Le PAS nous a félicité pour notre action envers la protection de la biodiversité des cichlidés du lac par le développement des fermes de poissons depuis 40 ans. Il a été reconnu notre soin à ne pas mettre en danger le biotope dans nos activités en milieu naturel. Nous tenons toujours informé les personnels chargés de la protection de la nature au Burundi.
Le gouvernement du Burundi veut créer des réserves naturelles dans le lac. Nous avons suggéré deux endroits le long des côtes qui sont plutôt saines en terme d’érosion (située loin de la route qui longe la côte du lac) :
- le premier à Magara (au kilomètre 40), le meilleur endroit pour Cyphotilapia frontosa ;
- le second à 35 km au sud de Bujumbura.
A Magara, il y a un courant qui peut permettre d’éliminer facilement la boue. La parcelle de côte entre les kilomètres 33Collines et 40 est très intéressante pour la biodiversité parce que c’est le seul endroit où on peut encore voir des Synodontis granulosus et Chalinochromis brichardi sur la rive du lac au Burundi.
Il y a aussi des personnes qui investissent, à titre privé, dans la conservation de la biodiversité locale. Quelqu’un a acheté un bout de terrain dans le delta de la Ruzizi et a réintroduit des reptiles et certains mammifères qui vivaient autrefois.
Les gouvernements dont les pays bordent le lac essayent de contrôler la pollution, la déforestation, et la pêche à outrance mais la tâche est immense et le temps manque. Bien sûr le manque de moyens financiers et la pression démographique rendent la tâche difficile. Ces efforts nous réconfortent néanmoins tant la situation du lac Tanganyika nous semble dramatique et préoccupante. Ce lac que nous aimons tant pour sa beauté fantastique et sa fabuleuse bio diversité.