KilliAmSudLes aquariophiles ne sont pas des trafiquants d’animaux
Il circule depuis quelques jours sur internet ou sur les réseaux sociaux un certain nombre d’informations sur l’activité des aquariophiles plus ou moins spécialisés dans l’élevage des killies qu’on appelle killiphiles (voir explications in fine).

Tout est parti de perquisitions, à la demande de l’Etat brésilien, chez des killiphiles américains, qui étaient censés détenir des espèces figurant sur la liste des poissons protégés établie par le gouvernement brésilien.
Il semble effectivement que plusieurs centaines de poissons appartenant à des espèces dites « protégées » ont été découvertes chez ces aquariophiles. Le gouvernement brésilien a donc lancé une campagne de communication sur ces aquariophiles « délinquants », en indiquant que leur trafic se faisait au niveau d’un réseau international, grâce à des sites d’annonces en ligne, aux réseaux sociaux et la complicité des associations killiphiles du monde entier, en particulier en Europe. Il est même ajouté que le braconnage se faisait dans le monde entier, en dehors même du Brésil, des killiphiles allant dans des réserves capturer des espèces protégées.

Sans faire une thèse sur le sujet, qui pourrait en faire l’objet, il est donc important d’apporter au public et aux aquariophiles dans leur ensemble un démenti à l’ensemble des affirmations qui peuvent circuler.

Sur la notion de protection des espèces au Brésil
Le Brésil a effectivement créé une liste d’espèces de poissons protégées, de killies ou d’autres genres. Mais il faut savoir que le Brésil lui-même est le premier à ne pas tenir compte de ces listes et à éliminer lui-même de son territoire et donc de la planète une bonne part des espèces citées.

Un exemple récent suffit à l’illustrer : deux nouvelles espèces dites « annuelles » de killies brésiliens, Plesiolebias altamira et Pituna xinguensis avaient été scientifiquement décrites en 2007, connues uniquement sur la petite île « Isla de Arapuya » au milieu du Rio Xingu près de la ville d’Altamira. Pendant les travaux préparatoires à la montée des eaux du fleuve Xingu du fait de la construction du barrage de Belo Monte, cette petite île a été complètement déforestée en 2015 ( ref : revue Amazonas mai/juin 2016) . Sans semble-t-il aucun souci de conservation des espèces uniques qui s’y trouvaient. L’île est aujourd’hui submergée et ces espèces sont donc disparues dans la nature. Mais elles figurent sur la liste des espèces protégées du Brésil…. Le seul espoir de réintroduction éventuelle de ces poissons dans la nature repose sur la possibilité que des aquariophiles les détiennent encore et fassent des efforts de préservation en aquarium. Car ces deux espèces sont par le passé entrées dans les bacs de killiphiles spécialisés dans l’élevage des annuels sud-américains, comme d’autres espèces aujourd’hui disparues.

Qui faut-il blâmer dans tout cela ?….. Certainement pas les killiphiles dont le regard sur l’aquariophilie est dans l’ensemble très respectueux de l’environnement et très inquiet de la destruction des environnements naturels auxquels ils s’intéressent tout particulièrement. Faudrait-il rappeler au monde entier et au gouvernement brésilien qu’il y a quelques années, lors de l’extension de la ville de Brasilía, il avait fait disparaitre une espèce de Killi, Simpsonichthys boitonei, et que semble-t-il, selon les informations qui ont circulé, celle-ci a pu ensuite être réintroduite dans la nature dans un environnement reconstitué grâce à des poissons donnés par des aquariophiles….

En fait, derrière tout çà on s’aperçoit que le Brésil fait diversion sur sa propre incurie en matière de protection de l’environnement en attirant l’attention sur de supposés trafiquants d’espèces menacées. Depuis des décennies des dizaines d’espèces de killies et d’autres poissons, déjà connues ou pas, et à la très faible aire de répartition, ont disparu sous l’effet de l’extension de la culture du soja ou de la déforestation de l’Amazonie. Les exemples seraient multiples et les killiphiles, leurs collectes et leurs élevages n’en sont nullement responsables.

Sur les prétendues collectes dans des zones protégées par les amateurs de killies
Il est affirmé que sur tous les continents les killiphiles membres des associations de nombreux pays se livreraient à du braconnage dans les réserves naturelles pour approvisionner des réseaux de trafiquants d’espèces protégées. Il s’agit là encore d’une affirmation honteusement mensongère.

Effectivement un certain nombre de killiphiles du monde entier organisent, sur leurs propres deniers, et souvent avec ou en lien avec des chercheurs scientifiques, des expéditions de recherche de poissons dans divers pays d’Amérique du sud ou d’Afrique. Ces expéditions permettent de bien connaitre les poissons élevés en aquarium, et surtout leurs milieux de vie dont ils s’aperçoivent de la dégradation rapide.
En ce qui concerne en particulier le Brésil, ces expéditions d'éleveurs amateurs ont permis la découverte de la plupart des killies inscrits sur la liste des poissons protégés, souvent à un seul endroit qui a par la suite été détruit du fait la politique destructive de l’environnement menée dans ce pays !…. Certains scientifiques brésiliens découvreurs d’espèces menacées par la destruction de leur mare ou marécage qui ont eu le malheur d’en envoyer des œufs à l’étranger ont semble-t-il été très sévèrement sanctionnés…. On est là encore dans l’aberration totale….

En ce qui concerne les réserves naturelles. Les affirmations disant que les collectes se déroulent dans des réserves naturelles sont totalement mensongères. Les collectes de poissons par les killiphiles ne se font jamais dans des réserves naturelles. Tout simplement d’abord parce qu’ils ne veulent pas que l’on puisse le leur reprocher. Et aussi parce qu’il y a tellement de nouvelles espèces à découvrir dans des zones peu ou mal prospectées qu’ils n’ont pas besoin d’aller dans des zones protégées pour faire avancer la connaissance scientifique qui les motive. Et la contribution des collecteurs amateurs est d’ailleurs tellement importante qu’il est fréquent que des espèces nouvellement découvertes soient baptisées du nom de killiphiles. Par exemple, en ce qui concerne les killies brésiliens, on peut citer Hypsolebias hellneri, nommé en l’honneur d’un killiphile explorateur allemand. Si l’on parlait de l’Afrique, les exemples seraient aussi très nombreux. Et les scientifiques sont très heureux de pouvoir bénéficier pour leurs recherches et études de la contribution bénévole et gratuite des killiphiles, explorateurs ou non.

La motivation des killiphiles collecteurs, en Amérique du sud ou en Asie, est de très loin davantage liée à la possibilité et au plaisir de la découverte de nouvelles espèces, et à leur souhait de contribuer à l’avancée des connaissances, qu’à celle de collecter des poissons déjà connus, en particulier dans des réserves…. Et si certaines zones du Brésil ont pu un jour être classées en réserves naturelles c’est très souvent seulement grâce à des naturalistes amateurs, killiphiles ou autres, qui ont pu attirer l’attention sur la présence d’espèces devenues rares à certains endroits…

Sur la complicité de trafic d’espèces protégées par les associations killiphiles
Aucune association d’éleveur de killies ne cautionne d’éventuelles collectes de poissons dans des zones qui seraient protégées… Alors même que parfois cela pourrait sauver certaines espèces. Dans les attaques brésiliennes contre les killiphiles il est aussi fait allusion à des killies nord-américains. Or beaucoup d’entre eux (des Cyprinodon ou Fundulus) n’existent plus dans la nature du fait de l’activité humaine et ne peuvent avoir une perspective de retour (un jour peut-être) dans leur milieu d’origine que parce que des aquariophiles les détiennent peut-être encore.

Certains prétendus défendeurs de la nature veulent faire l’amalgame entre les éleveurs de poissons d’aquarium et les éleveurs d’autres espèces d’animaux beaucoup plus rares dans la nature. C’est là encore une aberration totale.

Quand des killiphiles collectent des killies à un endroit donné, il s’y trouve souvent des dizaines ou centaines de couples d’une espèce déterminée. Or ils se contentent, pour pouvoir leur apporter le plus grand soin pendant le voyage de retour, de prélever deux ou trois couples seulement. A partir de ces quelques poissons sauvages ils obtiennent, par leurs bons soins, des descendants bien plus nombreux, par dizaines ou centaines, dont ils assurent la diffusion, sous forme de poissons ou simplement d’œufs, à d’autres amateurs de killies de par le monde. Ainsi, après plusieurs mois ou années les poissons rapportés se retrouvent chez des éleveurs du monde entier, pour le plus grand bonheur des amoureux de la nature que sont les aquariophiles.

Ainsi, si des enquêteurs américains ont pu trouver chez des éleveurs des centaines de poissons d’espèces « protégées », il ne s’agissait pas de poissons prélevés dans la nature mais de poissons nés en aquarium. Car également, contrairement à ce qui peut être écrit, la plupart des killies ne sont pas difficiles à élever en aquarium par des personnes qui connaissent leur mode de vie.

On ne peut absolument pas comparer les killies et autres poissons d’aquarium à d’autres animaux supérieurs dans la chaine biologique. En effet, les killies dans la nature ne sont qu’un des échelons du bas de la chaîne alimentaire : ils sont les proies favorites de divers animaux supérieurs comme d’autres poissons ou des oiseaux aquatiques en particulier. Ou de l’homme. Quand un killiphile explorateur prélève deux ou trois couples d’une espèce à un endroit donné, il en voit souvent des dizaines d’autres partir pour la friture dans les paniers des pêcheurs villageois locaux, qui feront encore de même le lendemain et le surlendemain……. Ou s’il est accompagné d’un chercheur scientifique, dans des bocaux de formol ou d’alcool qui partiront dans un tiroir de musée (dans le meilleur des cas) pour servir à d’éventuelles études scientifiques.

Rien à voir donc avec la collecte d’un animal vraiment rare dans la nature comme peuvent l’être certains reptiles, batraciens, oiseaux ou primates. Dans ce cas on est d’une part en présence d’espèces aux effectifs naturels très faibles, et d’autre part difficiles à reproduire en captivité ou seulement en très petit nombre, ce qui leur donne alors une valeur marchande élevée incitant à de véritables trafics.
Enfin, il faut souligner que s’ils sont faciles à reproduire pour celui qui sait, les killies, par leur petite taille restent quand même des poissons fragiles. Beaucoup plus que des Cichlidés par exemple. Ils n’ont donc en aucun cas une valeur élevée car ils ne peuvent intéresser des personnes qui ne savent pas en prendre soin correctement. A quoi bon payer cher un poisson qu’on va faire mourir très vite….

Là encore comparons ce qui est comparable et ne parlons pas de « trafics », « bandes organisées », « destructions d’espèces protégées », « braconnages », expressions qui n’ont absolument rien à voir avec l’activité des killiphiles et des clubs killiphiles.

Au contraire, les clubs killiphiles, comme toutes les associations aquariophiles, ont un rôle pédagogique très important en matière de protection de la nature et de l’environnement. En faisant découvrir à leurs membres, à travers l’observation de la vie d’un aquarium, ce qu’est un équilibre biologique, et bien d’autres choses, ils contribuent très fortement à la nécessaire prise de conscience générale de la protection de la planète et des milieux naturels…


Les KILLIES et leur élevage : une activité pédagogique et éducative aux enjeux environnementaux
Le mot KILLIES ou KILLIS est un terme générique appliqué à un ensemble de petites espèces de poissons, la plupart mesurant environ cinq centimètres de longueur totale. Ces poissons se retrouvent sur tous les continents, sauf l’Australie, mais les espèces qui intéressent le plus les aquariophiles, en raison de leurs couleurs très vives, proviennent d’Afrique, d’Amérique du sud. Il y a quelques espèce en Europe mais devenues très rares (en Espagne principalement). En France ne subsiste plus en Corse qu’Aphanius fasciatus, espèce protégée désormais semble-t-il disparue de Camargue.

Ces poissons intéressent particulièrement les aquariophiles en raison de leurs couleurs qui sont parmi les plus vives des poissons d’aquarium. Il sont aussi relativement faciles à reproduire pour qui connait leurs exigences. Et les éleveurs qui s’intéressent particulièrement aux killies s’appellent des « KILLIPHILES ».

Leur reproduction est très particulière par rapport à celle d’autres poissons d’aquarium car les œufs des killies, par rapport à ceux d’autres poissons, sont très résistants et ont une durée d’incubation qui, selon les espèces, peut aller d’une dizaine de jours à plusieurs mois, voire années. Cette caractéristique vient du fait que ces poissons vivent dans la nature dans des milieux particuliers, où on imaginerait souvent qu’il n’y a pas de poissons, dont certains s’assèchent parfois pendant de longs mois. L’exemple le plus connu est celui des Nothobranchius est-africains qui vivent notamment dans les plaines de Tanzanie. La longue durée d’incubation des œufs de killies font qu’ils peuvent, comme des graines de plantes, s’expédier par la poste à des amateurs du monde entier. Et c’est ce soi-disant trafic que des gens qui n’ont rien compris à l’aquariophilie veulent dénoncer….
Enfin, ces poissons vivent dans la nature dans des milieux que l’on qualifie de « marginaux » ou d’ «extrêmes», souvent très encombrés de végétation et de débris divers et dans quelques centimètres d’eau seulement parfois. Ils sont donc très peu mobiles et très peu exigeants sur leurs conditions de maintenance si on leur fournit une eau de qualité. On peut les garder par couples dans de très petits aquariums, d’une dizaine de litres seulement, sans qu’ils en souffrent. On peut sans hésiter dire que ce sont certainement les poissons les plus adaptés à la vie en aquarium. Et de ce fait, leur élevage est particulièrement intéressant pour des personnes qui ne disposent pas de beaucoup d’espace ou d’un budget conséquent pour pratiquer l’élevage de poissons d’aquarium.

Les killies peuvent donc jouer un rôle très important dans l’éducation des citoyens et leur sensibilisation aux enjeux environnementaux. Et c’est à cela que s’attachent au quotidien les associations killiphiles de tous les pays, en diffusant une information naturaliste et souvent scientifique à l’ensemble de leurs membres.

Alors plutôt que d’accuser les killiphiles, et finalement tous les aquariophiles d’être des destructeurs de l’environnement, il vaudrait mieux comprendre qu’en réalité, grâce à leur activité ils peuvent jouer un rôle important dans la prise de conscience des enjeux environnementaux. On peut également se souvenir qu’un de nos naturalistes français les plus réputés, Théodore Monod, avait vu sa passion débuter en observant des poissons dans un aquarium.

Car qui peut avoir mieux envie de protéger la nature que celui qui la connait, ne serait que par le petit aquarium qu’il observe au fond de son appartement d’une grande ville….


Photo : Xenurolebias cricarensis